mardi 28 octobre 2014

The golden boy (part4/6)


Il y a pratiquement trois ans, Pierrick et moi avons discuté pour la première fois d'un magazine BD. il y avait mon projet... Et le sien. Il y a un an sortait AAARG ! Avec Kieran nous y sommes depuis le numéro 2. Dans ce nouvel opus, The Golden Boy développe sa quatrième partie... Nous, on s'est bien marré à le faire. J'espère que ça se verra à la lecture.
Bon, je suis un peu bougon car j'ai pas réussi à finir ma fausse couv pour ce numéro. Pourtant, j'étais vachement fier de ma baseline : Chez Aaarg! ils ont la main sur le coeur et l'autre dans ta face si tu t'abonnes pas. ça sera pour une autre fois !

Merci à Pierrick et la team pour la confiance, la liberté... Et la rigolade.



lundi 20 octobre 2014

My little princess


Pendant que Julia Bax continue à tomber les pages plus belles les unes que les autres pour notre Caraboo... Moi, je peaufine mon prochain projet pour elle (super top secret!). 
Caraboo devrait sortir en août 2015. Et ça sera sans doute l'un de mes meilleurs livres...

jeudi 16 octobre 2014

Coup de rétroviseur n°5 : George & moi !

Petite aparté avant de commencer :
Si je viens de quelque part, si je dois de faire ce métier grâce à quelqu'un, c'est sans doute en premier lieu aux éditions Dupuis que je pense. Et surtout au magazine Spirou. Les gens qui m'ont donné envie viennent de là. Après évidemment, il y en a eu d'autres mais le commencement, c'est eux. Voilà, c'est dit.


Donc, on retourne en 2003. Cette année là, je rencontre Maroin Eluasti par l'intermédiaire d'un pote commun. Son book est clairement orienté dessin animé. C'est rond, c'est coloré, c'est jeunesse. Et ça, ça me déstabilise pas mal. Jusqu'à présent, je me suis plutôt orienté vers les récits adultes et polar. Si on me demande, je dirais que je préfère les histoires sombres... Mais écrire pour la jeunesse m'intéresse. Cela me ramène à mes premiers amours. 
Je commence à lui écrire une histoire d'une gamine en Inde durant le XIX ème siècle. Même si ses pages sont chouettes, Maroin et moi savons que ce n'est pas exactement son univers. il n'est pas à l'aise. Il me propose alors de bosser sur un visuel qu'il a fait d'un gamin et son gros chat.  Il y a tout à inventer. Mais je suis bien d'accord avec lui, ce dessin claque bien. Alors hop, je fonce ! 
George et George naissent d'un coup. Maroin tombe les planches en un rien de temps. A leur vision, je sais chez quel éditeur me tourner. Le dossier arrive donc dans la boite mail de Thierry Tinlot, rédacteur en chef de Spirou, un mardi. Ce dernier me répond dans les dix minutes. Et à peine une demi heure plus tard, Benoît Fripiat m'appelle ! Le vendredi suivant, Benoît vient nous rendre visite à Lille. On discute, on se met d'accord. George & moi sera une série Dupuis ! Le mois suivant, c'est même annoncé dans Spirou.
On va donc bosser pendant plusieurs mois. On se déplace à Charleroi pour rendre les planches. Moi, je suis en train de vivre mon rêve de gosse. 
Vient alors une "petit événement" impromptu : Dupuis se fait racheté par le groupe Média participation. Bien sûr, ça ne me rassure pas mais tout le monde chez Dupuis semble serein. Le suivi du projet s'en ressent un peu. Du coup, quand on est à une dizaine de pages de la fin, je m'inquiète de ne pas avoir de nouvelles... Je demande si la programmation dans Spirou est toujours à la même date et si la série fait bien la couverture. Là, il y a un certain flottement. Jusqu'à avoir un coup de fil qui explique qu'on ne fera pas la couverture de Spirou... Puis que la série ne passera pas dans le magazine... et avec mon insistance, j'ai le droit de savoir qu'en fait, la série n'aura pas d'album non plus. Dupuis nous rend nos droits. En fait, il y a un peu trop de similitude avec un autre projet qui va sortir, les gens qui soutenaient la série ne sont plus chez Dupuis... Donc hop : poubelle !


Je raccroche. Je gueule un grand coup. Et j'appelle le portable de Laurent Duvault. Un homme que j'avais rencontré chez Dupuis et qui était assez fan de George & moi. Il vient juste de passer chez Soleil. Visiblement, il est plutôt content de mon coup de fil. Il comprend pourquoi je téléphone et me propose de venir le rejoindre dans le catalogue qu'il met en place chez Soleil : NG. Du coup, on signe un beau contrat, et on se lance tout de suite sur le tome 2. 
L'album sort avec un joli autocollant et un prix attractif : 6€ ! L'idée est séduisante mais il va arriver quelque chose d'imprévu (one more time). Les libraires spécialisés disent que la collection est orientée "supermarché", les supermarchés n'en veulent pas car nous sommes des inconnus. Toute la communication s'est basée sur le fait que ces nouvelles séries allaient devenir des dessins animés très vite. Mais ce n'est pas forcément le cas. En gros, on a le cul entre deux chaises ! Et même si les ventes sont honorables pour un premier tome d'inconnus, vu le tirage de malade, il parait que c'est une catastrophe. Six mois plus tard le tome 2 sort dans l’indifférence générale. Laurent Duvault est déjà reparti. Ce second tome aura un tirage qui ne sera même pas à la hauteur des ventes du tome 1...


On remballe? 
Pas encore. George & moi, c'est le bébé de Maroin. Et lui ne baisse pas les bras. Il va faire le tour de toutes les boites de prod de dessin animé de France pour placer le projet. L'option sera levée deux fois. Mais quand ça veut pas, ça ne veut pas.

Un regret?
Au point où on en est, non. Juste peut-être d'avoir fait une histoire en deux tomes pour les tomes 2 et 3. Du coup, je suis le sadique qui fait une fin horrible pour un album jeunesse... 


Un bon souvenir?
Plus d'un ! D'abord, j'ai tout de même placé des histoires courtes dans Spirou. C'est con, mais j'en suis fier. Bien sûr, il y a aussi les chouettes moments avec Maroin... Enfin, cette série m'a donné envie d'écrire pour le "tout public". C'est le premier pas vers Klaw et vers les projets que je suis en train d'écrire...

mardi 14 octobre 2014

Coup de rétroviseur n°4 : Volubilis.

Conversation téléphonique en 2003 (abrégée) :
- Bonjour Antoine Ozanam?
- Oui?
- Je suis Joachim Regout des éditions Glénat. Glénat Benelux.
- Bonjour.
- Voilà, je lance deux collections. L'une pour des séries et basée sur "le voyage", l'autre pour des one-shots sur "les villes". Cela te tentait de me présenter quelque chose?
- Est-ce que le mouton aime l'herbe grasse?
- Pardon?
- Ce n'est rien, je plaisantais. Oui, cela me tente ! Mais... je n'ai pas forcément de dessinateur sous la main.
- Ce n'est pas un problème. j'ai d'ailleurs le dossier d'un super dessinateur du nom de Jérôme Gantelet...
- Super ! Merci.


L'instant d'après, je reçois le mail contenant des pages de Gantelet. Il n'y a pas à dire, Joachim Regout a bon goût. Reste plus qu'à réfléchir au sujet de ces collections... Je m'oriente d'abord sur l'idée de voyage. Cela colle pas mal à deux trois idées qui me trottent dans la tête. Je remets tout à plat. et je trouve une idée pour faire le lien : le "personnage principal" de la série sera une compagnie de transport, Volubilis. On changera de moyen de transport à chaque tome... 
J'en parle à Joachim qui aime bien l'idée. Je rentre en contact avec le dessinateur avec qui le courant passe du premier coup. On se parle de tout, de rien... J'apprends que Jérôme bosse dans une usine de 5H du mat à 13H. Il compte dessiner dans l'après-midi. Par ailleurs, on se trouve des petits points communs sympathiques (notamment en musique). Bref, je découvre un copain avant de trouver un dessinateur. Ce qui nous empêche pas de commencer à travailler ! On fait le dossier. Il est accepté...
Très vite, il y a une nouveauté dans cette nouvelle collaboration : le directeur de collection fait un suivi du projet. il commente chaque page reçue. je ne suis pas sûr que tout soit justifié mais ça fait tout de même bien plaisir d'avoir un retour. Le problème, c'est qu'on a pas assez de recul. Du coup, quand Joachim nous "impose" une mise en couleur, on accepte [je viens d'avoir Joachim qui me dit que la première proposition que nous lui avions faite lui convenait parfaitement mais que la sphère dirigeante n'en voulait pas]. On le fait de bon cœur. Sauf qu'on fait une erreur. Et on s'en aperçoit que trop tard. L'autre erreur, c'est la couverture. Le dessin n'est pas forcément au top et surtout, cela ne correspond pas à l'intérieur de l'album (une différence de mise en couleur).
Pour la première fois aussi, j'ai le droit d'aller au calage. Un chouette moment. Y'a pas à dire mais ça change tout de même les choses d'y aller.


L'album sort dans le plus grand anonymat. Quelques mois plus tard, j'apprends de copains libraires qu'ils n'ont jamais eu de sollicitation pour cet album (preuves à l'appui). Je m'en ouvre à Laurent Muller chez Glénat France (que je suis allé voir pour Slender Fungus). Il me fait un large sourire et me dit "tu n'avais qu'à miser sur le bon cheval". je n'insiste pas mais je comprends [cette phrase pourrait porter à confusion. Bien sûr que ce que je comprends c'est quel individu est Muller ! Car si on a le droit de ne pas aimer un collègue de travail, on ne s'en vante pas. Et surtout pas devant n'importe qui].
C'est donc sans grand étonnement que j'apprends à la fin du second tome qu'il n'y aura pas de suite. J'accepte avec un peu plus de mal que ce tome 2 ne sorte même pas (toutes les images qui illustrent cet article sont tirées du second tome inédit). Mais Joachim Regout fait les choses bien : il arrive à faire entendre raison à la maison mère et nous retrouvons l'entièreté de nos droits.


Alors du coup, vous relancez le projet?
Bah non. En fait, je crois vraiment que ça a plombé mon pote Jérôme plus que je l'aurais cru au départ. Faut dire que se taper 8 heures de boulots à l'usine et enchaîner sur sa table à dessin, si au final c'est pour que l'album ne sorte même pas, ça rime pas à grand chose. Mieux vaut vivre une vraie vie ! Avec des enfants, des amis... 
si Slender a été mon plus grand regret de série interrompue, Volubilis a la palme de mon plus gros regret d'amitié. Car en plus de tout le reste, j'ai perdu tous contacts avec Jérôme (si d'ailleurs quelqu'un a une adresse...)


Quand j'apprends la fin de Volubilis, j'ai déjà signé George & moi et Eclipse. Mais c'est bien à ce moment là où je décide de m'orienter vers les one-shots. Après tout, quitte à avoir qu'un seul album, essayons de faire en sorte que les lecteurs aient la fin !

lundi 13 octobre 2014

Coup de rétroviseur n°3 : Slender Fungus.

Et hop, on passe à Slender Fungus


Il n'y a pas six mois entre ma rencontre entre Nicolas Lannoy et Benoît Laigle. L'un ayant inviter l'autre à passer dans mes bureaux. La première fois que je le vois, il vient avec Jérôme Lebrun. Les deux sont des sacrés rigolards et on se fend la poire toute l'après midi. En voyant leurs boulot, j'ai tout de suite envie de bosser avec les deux. faire du polar rigolo (comme aurait dû l'être la série que je viens de signer chez Delcourt). Encore un voyage en Lille et Valenciennes et j'ai les deux idées qu'il me faut. Je propose une adaptation du Roi David à Jérôme Lebrun et un projet de mafieux qui fout un bordel de tous les diables parmi les autres mafieux, sans que personne ne le voit jamais (et surtout pas le lecteur) à Benoît.
Quelques semaines plus tard, je file chez Glénat (en fait, il s'agit du lundi après le festival d'Angoulême, mais je ne l'avais pas calculé). Rodolphe Soublin me reçoit. Depuis la dernière fois, son enthousiasme envers mon boulot n'a pas changé. Il m’emmène voir Didier Convard qui vient de devenir Directeur de collection. Celui-ci est aussi intéressé. Il m'oppose juste deux changements sur Slender Fungus : l'un pour Benoît qui devra abandonner la couleur directe pour une mise en couleur par ordino, l'autre pour moi qui vais devoir écrire l'histoire en trois tomes plutôt qu'en quatre. "Trois tomes, je peux mettre mes couilles sur le billot que tu iras jusqu'au bout". Les conditions financières sont largement plus sympathiques que chez Delcourt. Bref, c'est nickel.
Pour le projet avec Jérôme, c'est encourageant aussi. Il n'a eu le temps que de faire deux pages mais Convard (et surtout un certain Laurent Muller) est sous le charme : Ils veulent en voir plus. Malheureusement, Jérôme travaillant chez Disney n'aura pas trop le temps pour la BD. Il ne fera jamais les pages suivantes...
Pendant le même temps, le dossier Slender était arrivé chez un jeune éditeur : Bamboo. Ils veulent aussi de la série pour leur nouvelle collection "grand angle". Mais ayant été un peu refroidi par l'expérience "nouvel éditeur" avec Paquet, je prends la décision (avec Benoît) de choisir la proposition de Glénat. 


En 2003, le premier tome de Slender fungus sort dan la collection Grafica. Le titre de l'album change. Il ne s'agit plus de "pâté de connards en croûte" mais de "Al dente". On se lance directement sur le tome 2 (qui ne s'appellera pas "terrine de salopes en gelée"). On fera même un petit comics hors série pour la librairie "folle image" avec du matos inédit. 
Mais, bien sûr, les choses vont légèrement déparées. Cette fois-ci, pas d'engueulade avec le dessinateur ni avec l'éditeur. Non, le marché s'écroule gentiment. Et les aléas de la vie privée pour Benoît et moi font qu'on va mettre deux ans à faire le tome 2. En 2005, alors que le tome 2 n'est pas encore sorti, Laurent Muller me dit de foncer sur le tome 3 sans attendre le contrat qui doit arriver au plus vite. 
Deux mois plus tard, voulant facturer quelque peu, je relance (pour la énième fois) Muller. Il est bizarrement en réunion. Quelques minutes plus tard, c'est Didier Convard que j'ai au téléphone. Il se dit bien emmerdé mais il n'y aura pas de tome 3 : "ça vient de plus haut. on doit virer tout ce qui est en dessous de 5000 de vente". J'ai alors l'image débile d'un eunuque qui parle de mettre les couilles sur le billot. Bien sûr, on peut publier le tome 3 ailleurs si on veut. En revanche, si on veut récupérer les deux premiers tomes, il nous faut payer. Slender meurt à ce moment là.
J'apprends alors qu'il y a pire que d'arrêter de son propre chef une série. Je revois la fin du tome 2 où j'avais tenté de jouer avec le lecteur en le guidant sur une fausse piste. Maintenant, tout le monde va croire à cette "fin" stupide.
Je suis dans la merde financièrement, j'ai d'autre projet avec Glénat... Bref, je me sens piégé. 


Benoît s'écarte quelque peu de la BD pour le jeu vidéo (même s'il y reviendra plus tard) ce qui stoppe notre collaboration. Et ça, je l'encaisse encore plus mal. car on avait plusieurs projets pour la suite...

Alors, t'es content de ta carrière?
Franchement pas. Quand je ne tombe pas sur un éditeur bizarre, quand je ne tombe pas sur mon inverse total, il faut que l'adversité s'en mêle. J'ai l'impression d'un immense gâchis. Et là encore, si je n'avais pas un autre projet sur le feu, je me poserais la question d'arrêter... Et bien sûr, je regrette de ne pas avoir fait confiance à Bamboo. Mais cela ne sert à rien.


Pour la petit histoire, ça me revient à ce moment là, j'avais aussi présenté le dossier à Vents d'ouest. Là, un certain Thierry Cailleteau en grand forme verbale m'avait dit "à la lecture de Slender Fungus, j'ai qu'un conseil à vous donner : coupez-vous les mains ! EUH... Non attendez, avant de vous couper les mains, coupez celles de votre dessinateur. Cela vous évitera de nous proposer autre chose". Qui a dit que des auteurs de BD ne s'étaient pas suicidés pour des blagues aussi connes?

Une dernière chose : je compte toujours relancer la série ! Peut-être en recommençant tout depuis le début... Et surtout en changeant de titre ! Qui pourrait acheter une série d'un nom dont on ne se souvient pas?

vendredi 10 octobre 2014

Coup de rétroviseur n°2 : Chewing Gun.

Nous sommes maintenant en 2000.


je fais la connaissance de Nicolas Lannoy par l'intermédiaire de notre libraire commun. Lui cherche un scénariste et moi, je sais que je veux continuer à faire des BD mais pas forcément en dessin. Donc, on se parle. Il me montre quelques pages d'un album jamais terminé chez Soleil. Et plusieurs croquis.
C'est dans les croquis que je vois des choses qui me plaisent. Une certaine spontanéité, d'énergie qui me parle.
Du coup, on évoque la possibilité d'une collaboration. On est en terrasse et les idées s’enchaînent sans grande originalité. Puis, un type rentre dans le bistrot habillé avec une chemise "col pelle à tarte". cela nous amuse et on délire sur Starky & Hutch. D'un coup, on est d'accord. On va faire du polar années 70. et plutôt bien marrant.

Je tombe le dossier éditeur dans le train entre Lille et Valenciennes où je donne cours. Comme c'est ma première série, j'y mets plein de détails et je pousse l'intrigue qui doit durer environ 7 albums.
De son coté, Nicolas fais les trois premières planches. reste plus qu'à envoyer le bébé aux éditeurs. dans un premier temps, seuls Delcourt et Glénat reçoivent le dossier. et les deux appellent !
Je vais voir Rodolphe Soublin chez Glénat. Il me fait des remarques justifiées sur l'histoire et surtout sur le dessin. Bref, ils veulent bien de nous mais il faut retravailler si on veut un contrat. pendant ce temps, Nicolas parle avec François Capuron. Il décroche un rendez-vous où j'arrive passablement en retard. Là, Guy Delcourt vient nous dire des gentillesses (accompagné d'Olivier Vatine). On repart sans contrat mais sans réel changement à faire (juste des pichenettes). Entre temps, j'accepte que Nicolas, qui cherche un atelier, installe sa table à dessin dans mon entreprise.
Le temps passe et Capuron téléphone pour savoir où nous en sommes. Nicolas lui avoue que je suis plus intéressé par la proposition de Glénat. du coup, on a le contrat dans la semaine. Et on signe.

Nous ne sommes pas à la 15 ème planche que tout se casse la gueule. En fait, Nicolas et moi avons des divergences sur tous les domaines. Sur le boulot, les horaires, les femmes et la politique. Et même si au départ, je fais des efforts, je ne tarde pas à craquer et à le faire sortir des locaux de la boite.
La suite de l'album se fera surtout par l'intermédiaire des éditions Delcourt. Sauf que le suivi n'y est pas des plus soutenus (il faut dire qu'ils sont en plein boum de production). 
Je ne dirais pas que je découvre l'album dans la prépublication dans pavillon rouge mais pas loin. Disons que c'est là où je vois qu'il manque des modifications que j'avais demandé... Bref, je ne m'y retrouve pas. 
Les choses s'empirent pendant la création du tome 2. J'ai de moins en moins de temps à consacrer à la BD (la boite marche bien) et les tensions avec le dessinateur sont telles que je n'arrive pas à me passionner pour le suivi du projet. 
En 2003, au bout d'un an, l'album n'en est pas encore à la moitié. Les pages sont loin d'être au niveau de ce que j'espérais, les chiffres de vente du T1 sont pas terribles et je n'arrive plus à cacher ma nervosité contre Nicolas. C'est à ce moment là que Capuron téléphone pour dire que si l'histoire pouvait se terminer en 3 albums, ça serait mieux. Je le rappelle dans la journée car je viens de trouver une idée pour le terminer à la fin du T2.


Alors, tu en gardes quoi de cette aventure?
Le mot qui vient à l'esprit c'est amertume. Rien n'a fonctionné dans cette histoire. Si je n'avais eu que ce projet avec un dessinateur, j'aurais sans doute abandonné le métier. J'ai même développé une sorte de paranoïa qui m'oblige à parler beaucoup avec un dessinateur avant de bosser avec lui. je n'attends pas qu'il pense comme moi mais que nous partagions tout de même des valeurs communes.
Amertume aussi car j'ai traîné cette série comme un boulet. "Ah, c'est toi qui as fait chewing gun?" reste la phrase que j'ai redouté pendant assez longtemps. Un jour, je vais voir un autre éditeur et la première phrase qui me dit c'est "bon, alors dans ta série chez Delcourt, qui a merdé?" 
J'ai retiré ces deux albums de ma bibliographie. et je refuse de les dédicacer. je ne me retrouve pas du tout dedans.
Amertume enfin, car je pense avoir été tricard chez Delcourt à cause de cette série. Pourtant, j'ai retenté de présenter des projets. Même si cela ne s'était pas bien passé sur le projet, la relation que j'avais avec eux me convenait. Et puis, ils faisaient parti des éditeurs dont j'aimais bien la production...
Les quelques rendez-vous dans leurs locaux restent le seul bon souvenir de cette expérience.

jeudi 9 octobre 2014

Coup de rétroviseur n°1 : Hotel Noir.

Cela fait quelques temps déjà que j'y pense : raconter ma petite expérience dans ce beau milieu de la BD à travers mes publications. Expliquer le pourquoi, le comment... Les petits anecdotes vécues, les choses que je ne ferais plus pareil... Histoire aussi de raconter cela une dernière fois avant de tourner la page... 

Alors, on commence chronologiquement : 1999. premier album.


Angoulême 1998. Je rencontre Pierre Paquet pour la première fois. Je n'ai pas grand chose sur moi si ce n'est un book de mes travaux d'illustrateur. Il tombe sur une illu mélangeant la plasticine et le dessin. Il me dit que si j'ai une histoire avec ce genre de rendu, il veut bien lire. Il me dit avoir une collection au format comics où il cherche du monde. Je rentre et dans la semaine, j'écris ce qui va être "Hôtel noir". Très vite Paquet accepte. il m'invite en Suisse pour parler du contrat. En gros, pas d'avance sur droits. Il ne payera que les albums vendus... Avec un projet comme le mien, et aussi parce que j'ai un boulot à coté, j'accepte à mon tour.


Parce que je n'aime pas bosser seul, je propose à mon ami Bruno Lachard de s'occuper des plasticines et des affiches de propagande que l'on peut voir sur les murs de la ville.
Je tombe tous les planches en storyboard. Elles serviront de guide lors de la séance photo. On shoot tous en un weekend. Une dizaine de persos à tordre dans tous les sens... Avec la chaleurs des lampes qui les fait fondre. tous les soirs pendant un moins, je détoure les photos pour pouvoir incruster les personnages dans les décors... Que je réalise par la suite.


Alors que je suis en train de terminer la couleur, Pierre paquet me téléphone : il veut changer le format. Adieu le petit format "comics", bonjour le format standard. la pagination change aussi. On passe de 30 à 46 pages. Bien sûr, impossible de tout refaire. On trouve un compromis : on rajoute une galerie de "fan art" avec des gens comme Eric Herenguel ou David Llyod... Bien sûr, je n'ai pas conscience qu'avec le changement de format, les pages vont sembler vides... Comme je bosse dans le multimédia, je fais gratuitement un cédérom qui sera mis dans l'album avec dessus le premier catalogue numérique d'un éditeur de BD ainsi que le making-of de l'album.


Les choses commencent à mal se passer juste avant la sortie. A l'époque, les éditions Paquet n'ont pas d'argent. Les représentants n'ont rien à montrer aux libraires. Nous sommes juste une ligne sur un listing. C'est vachement tenant "Hotel Noir de Lachard et Ozanam". Vous en voulez combien?
L'album sort en octobre 1999. Dans le mois (il me semble d'ailleurs que c'est encore plus rapide), les éditions Paquet changent de diffuseur. Les libraires renvoient les albums sous peine de ne pas pouvoir se faire rembourser les invendus. Le nouveau diffuseur ne retravaillera pas le titre (pensez-vous, un titre déjà proposé).


Malgré tout ça, l'album est sélectionné par le festival d'Angoulême pour concourir au prix de la première oeuvre. C'est donc un an après que je retourne au FIBD. Là, Paquet me met directement à l'aise en me disant qu'il n'a pas réussi à m'avoir de la Presse. Soit les journalistes trouvent l'histoire glauque, soit ils trouvent que le rendu ne fait pas BD. Je prends ça comme un reproche de la part de mon éditeur. Lui qui pensait qu'on parlerait de l'originalité de l'album, il se retrouve avec un album difficile à vendre...

Puis les choses se dégradent. Comme je suis pris par mon boulot, je laisse un peu ça de coté. Au bout d'un an, je demande mes chiffres de vente. Pierre en personne me les donne par téléphone. Mais rien officiellement. Au bout de plus de deux ans, j'ai mon premier relevé et mon premier (et unique) chèque ! Le plus drôle, c'est qu'il n'y a pas toute la somme : il manque les 30% qu'un éditeur peut retirer pour "les retours éventuels" ! Oui, au bout de deux ans...

De ce jour-là, nous n'avons plus de bonne relation.

Alors, cette première expérience?
Avec le recul, je refuserais carrément le changement de format. Cela a dénaturé l'album. Pour le reste, on va dire que les circonstances n'ont pas joué en ma faveur. Je sais que Paquet n'a pas changé de diffuseur pour me faire chier. J'ai été un dommage collatéral. 
Pour le reste, ce ne sont que des erreurs et des emballements de débutant...
L'album en lui-même, j'en suis encore assez fier. Et je sais bien qu'il a ouvert sur la suite.